Adultère et flagellation

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En 556, l’empereur byzantin Justinien (m. 565) établit une réforme juridique qui fera date. Environ un siècle plus tard, selon la tradition islamique, Muhammad reçoit sa première « révélation ». Existe-t-il un lien entre le Coran et le Code Justinien ? Dans les deux cas, on a affaire à un corpus juridique – même si, bien entendu, le Coran n’est pas seulement un texte de lois. Mais la comparaison ne s’arrête pas là. En effet, il a été montré par plusieurs historiens que plusieurs lois coraniques s’inspiraient du Code Justinien1. C’est le cas notamment des sanctions encourues en cas de rapports sexuels illicites. Le Coran condamne les adultères à cent coups de fouet (24:2). Or, la flagellation était également la peine encourue pour les femmes adultères dans la nouvelle loi promulguée par Justinien. L’historien byzantin Procope de Césarée (m.565) nous informe dans son Histoire Secrète que 550 femme adultères furent flagellées à l’époque de Justinien. Le nombre de coups qu’elles recevaient n’est pas indiqué formellement, mais il n’en reste pas moins que dans un cas comme dans l’autre, le même délit est puni de la même sanction.

En outre, le Code Justinien précise que les femmes adultères, après avoir subi le châtiment corporel, seront envoyées dans un monastère où, sauf exception, elles resteront emprisonnées jusqu’à leur mort (Novellæ 134:10). Une prescription assez similaire existe dans le Coran :

À l’encontre de celles de vos femmes qui commettent la turpitude, demandez témoignage à quatre d’entre vous ! S’ils témoignent, alors confinez ces femmes dans vos maisons jusqu’à ce que la mort les rappelle ou qu’Allah leur donne un moyen. Celui et celle qui, parmi vous, commettent [la turpitude], sévissez contre eux ! S’ils se repentent et se réforment, détournez-vous d’eux. Allah est révocateur et miséricordieux (4:15-16).

Dans ce passage, on le voit, la peine infligée aux femmes qui commettent une « turpitude », c’est-à-dire tout acte sexuel considéré comme illicite (et pas seulement l’adultère), est le confinement à vie au domicile. Comme le souligne Juan Cole, « ce commandement exigeant que la femme faisant preuve de débauche soit enfermée rappelle le décret de Justinien de détention à vie dans un couvent »2. Certes, dans le Coran, il est question d’un enfermement à l’intérieur du domicile familial et non dans un monastère comme dans le Code Justinien. Il n’empêche, dans un cas comme dans l’autre, la femme ayant forniqué se retrouve enfermée à vie dans un lieu clos. Un autre détail intéressant renforce le lien entre le Coran et le Code Justinien : ce dernier stipule que la femme peut être libérée dans le cas où son mari décide de la reprendre dans un délai de deux ans suivant son enfermement. Le Coran indique pareillement que les femmes peuvent échapper à la sanction si « Allah leur donne un moyen ». Bien que le texte ne précise pas ce qu’est ce « moyen », on peut supposer qu’il fait référence au cas où l’époux trompé accepte le repentir de son épouse, comme le suggère le verset 4:16 qui met l’accent sur le pardon.

Références

1↑ Voir par exemple Juan Cole, « Muhammad and Justinian: Roman Legal Traditions and the Qur’an », Journal of Near Eastern Studies, vol. 79 (2020), pp. 183-96.

2↑ Juan Cole, « Late Roman La and the Quranic Punishment for Adultery », Muslim World, vol. 112 (2), 2022, p. 216.