Al Kalam

Les seins de la discorde

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Introduction

La Mecque (en arabe : makkah) est la ville la plus importante de l’islam. SituĂ©e Ă  l’ouest de la pĂ©ninsule arabe, dans une rĂ©gion isolĂ©e et volcanique, elle accueille chaque annĂ©e des centaines de milliers de musulmans venus accomplir le pĂšlerinage. Mais que sait-on vraiment des origines de la ville ? La question est loin d’ĂȘtre Ă©vidente, car toute l’histoire de La Mecque avant l’islam, et encore au moins un siĂšcle aprĂšs, repose sur les sources musulmanes, « qui sont le plus souvent de genre lĂ©gendaire ou mythique », prĂ©cise l’historienne Jacqueline Chabbi1. La Tradition islamique prĂ©sente La Mecque comme une grande mĂ©tropole arabe, qui aurait occupĂ©, dĂšs la pĂ©riode prĂ©islamique, un rĂŽle Ă©conomique et religieux de premier plan dans la pĂ©ninsule. La sacralitĂ© de la ville est Ă©galement mise en avant Ă  travers toute une mythologie qui fait remonter ses fondations Ă  Abraham, voire Ă  Adam. Mais ce rĂ©cit est aujourd’hui contestĂ© par les dĂ©couvertes des historiens. L’Arabie prĂ©islamique est dĂ©sormais mieux connue grĂące aux fouilles archĂ©ologiques menĂ©es dans la rĂ©gion et les alentours. De plus, l’analyse des sources les plus anciennes apporte un nouvel Ă©clairage sur l’histoire de la ville. Le rĂ©sultat qui en dĂ©coule ne s’accorde pas avec le narratif prĂ©sentĂ© par la Tradition islamique.

La Mecque selon la Tradition islamique

Avant d’aborder le sujet, Ă©voquons rapidement l’histoire de La Mecque du point de vue de la Tradition islamique. Aussi surprenant que cela puisse paraĂźtre, il n’existe qu’une seule rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque dans le Coran (48:24). Un autre passage Ă©voque un lieu appelĂ© « bakka » (3:96) que les exĂ©gĂštes musulmans identifient gĂ©nĂ©ralement Ă  La Mecque, mais cette hypothĂšse n’est pas crĂ©dible2. Pour donner un point de comparaison, le Nouveau Testament, dont la taille est Ă  peu prĂšs similaire au Coran, mentionne le nom de JĂ©rusalem 139 fois ! La Mecque occupe donc une place trĂšs marginale dans le texte coranique. Cela est d’autant plus frappant que les sources islamiques dĂ©crivent la ville comme une grande mĂ©tropole arabe dont les origines remonteraient Ă  Adam et Ève. La Tradition islamique raconte en effet qu’Adam, aprĂšs avoir Ă©tĂ© expulsĂ© du paradis, aurait habitĂ© Ă  La Mecque et construit la Ka’ba pour s’y loger. La « maison » sera dĂ©truite lors du dĂ©luge, et AllĂąh ordonnera Ă  Abraham et IsmaĂ«l de la rebĂątir pour en faire un sanctuaire. IsmaĂ«l aurait ensuite fondĂ© une lignĂ©e dont serait issu Muhammad.

Vers le dĂ©but du 5e siĂšcle, un certain Qusayy ibn KilĂąb, lui-mĂȘme ancĂȘtre du ProphĂšte, aurait rĂ©ussi Ă  unifier la tribu des Qurayshites et Ă  s’imposer comme gouverneur de la ville. On lui prĂȘte un rĂŽle avant tout religieux : c’est lui, par exemple, qui aurait redonnĂ© vie au pĂšlerinage de La Mecque – entre-temps, la ville Ă©tait devenue presque entiĂšrement polythĂ©iste. On raconte que les paĂŻens venaient de toute la pĂ©ninsule arabe pour effectuer le pĂšlerinage autour de la Ka’ba. En outre, La Mecque Ă©tait devenue, toujours selon le rĂ©cit « officiel », l’un des principaux carrefours commerciaux de l’Arabie, ce qui aurait contribuĂ© Ă  l’enrichissement de la ville. Mais nous allons voir Ă  prĂ©sent que cette version ne tient plus la route compte tenu des rĂ©centes dĂ©couvertes historiques


Le silence embarrassant des sources

Le premier point Ă  souligner est qu’il n’existe Ă  ce jour aucune rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque dans les sources prĂ©islamiques. Les fouilles Ă©pigraphiques dans la pĂ©ninsule arabe ont permis de mettre au jour plusieurs dizaines de milliers d’inscriptions d’époque prĂ©islamique. Pas une seule ne mentionne La Mecque. Ceci paraĂźt d’autant plus Ă©tonnant pour une citĂ© prĂ©tendument importante que « tant de villages insignifiants du YĂ©men livrent des textes par dizaines », note Christian Robin3.

Les historiens ont procĂ©dĂ© Ă  l’analyse de milliers de documents d’époque (chroniques, rĂ©cits de voyage, textes religieux
) d’origine byzantine, perse ou syriaque. Pas un seul ne mentionne La Mecque. Parmi les dizaines de tĂ©moignages contemporains des conquĂȘtes arabes, aucun ne mentionne La Mecque, d’oĂč sont supposĂ©s venir une grande partie des conquĂ©rants4.

On sait par ailleurs qu’à la veille de l’islam, l’Arabie Ă©tait passĂ©e sous le contrĂŽle des Éthiopiens, qui Ă©taient intervenus militairement pour dĂ©fendre les chrĂ©tiens du YĂ©men, persĂ©cutĂ©s par un roi nouvellement converti au judaĂŻsme. L’un des gĂ©nĂ©raux de l’armĂ©e Ă©thiopienne, un certain Abraha, s’empare du pouvoir vers 535 et rĂšgne sur le royaume sud-arabique. À partir de 548, il lance une offensive dans l’Arabie dĂ©sertique et mĂšne des expĂ©ditions contre plusieurs villes. Ces expĂ©ditions sont bien documentĂ©es Ă  travers des inscriptions (CIH 541 et RY 506), ainsi qu’une chronique de l’historien Procope de CĂ©sarĂ©e5. Il est probable que si La Mecque avait l’importance que lui prĂȘtent les sources islamiques, elle aurait fait partie des cibles d’Abraha. Pourtant, la ville n’est mentionnĂ©e ni dans les inscriptions qu’il a laissĂ©es, ni dans les chroniques de l’époque6.

Le fait que La Mecque Ă©tait tout au plus un village insignifiant est confirmĂ© par une inscription sabĂ©enne datant du 3e siĂšcle, dĂ©couverte dans la rĂ©gion de Jabal Riyam au YĂ©men. L’inscription, dĂ©couverte en 2006, est exceptionnelle car elle offre une cartographie des principales tribus et de leurs territoires dans la pĂ©ninsule arabe7. L’un des auteurs de l’inscription remercie la divinitĂ© de sa tribu de l’avoir fait rentrer sain et sauf d’un long voyage au cours duquel il traversa une dizaine de territoires. Parmi eux, il mentionne notamment le pays des LihyĂąn, dans le voisinage de La Mecque, le pays des Asd (al-Azd), dans le sud de la pĂ©ninsule, le pays des NizĂąr, situĂ© Ă  mi-chemin entre La Mecque et MĂ©dine, ou encore le pays des TanĂ»kh, sur la cĂŽte orientale. En revanche, ni la tribu des Quraychites, ni La Mecque ne sont mentionnĂ©es, ce qui discrĂ©dite l’affirmation selon laquelle la ville aurait une origine ancienne.

Figure 1 : inscription de Jabal Riyam 2006-17

Les sources Ă©pigraphiques sud-arabiques mentionnent Ă©galement plusieurs sites de pĂšlerinage en Arabie. L’une d’entre elles fait mĂȘme rĂ©fĂ©rence Ă  un pĂšlerinage dans situĂ© dans une citĂ© appelĂ©e la « ville sainte ». Mais le toponyme dĂ©signe Ma’rib, la capitale du royaume sabĂ©en8. Il n’existe Ă  ce jour aucune source avant l’islam qui dĂ©signe La Mecque comme un centre de pĂšlerinage, ce qui rend cette affirmation assez douteuse. Les fouilles Ă©pigraphiques et archĂ©ologiques montrent par ailleurs que l’Arabie prĂ©islamique Ă©tait devenue largement monothĂ©iste9. Dans de nombreuses rĂ©gions de la pĂ©ninsule, les inscriptions faisant rĂ©fĂ©rence Ă  des divinitĂ©s paĂŻennes disparaissent dĂšs le 5e siĂšcle pour laisser place au Dieu unique10. On voit mal comment des polythĂ©istes venant de toute l’Arabie pouvaient affluer Ă  La Mecque si le polythĂ©isme avait quasiment disparu. Le pĂšlerinage Ă  La Mecque n’existait probablement pas y avant l’islam et semble avoir Ă©tĂ© instituĂ© seulement au tournant du 8e siĂšcle11. La Ka’ba Ă©tait encore Ă  l’époque prĂ©islamique un petit sanctuaire local, dont on raconte que les murs ne dĂ©passaient pas la hauteur d’un homme12.

La Bible se montre elle aussi silencieuse au sujet de La Mecque. Certains apologistes musulmans tentent nĂ©anmoins de prouver le contraire en arguant que certains passages bibliques font bel et bien rĂ©fĂ©rence Ă  la ville sainte de l’islam. On cite le psaume 84:7 qui Ă©voque « la vallĂ©e de Baka », identifiĂ©e au mystĂ©rieux toponyme « Bakka » mentionnĂ© par le Coran. Les deux mots dĂ©signent probablement le mĂȘme endroit, mais ce n’est pas de La Mecque dont il s’agit, mais d’un site situĂ© en Palestine aux abords d’une route qu’empruntaient les pĂšlerins en direction de JĂ©rusalem13. Certains soutiennent Ă©galement que le « dĂ©sert de Paran » mentionnĂ© dans le livre de la GenĂšse (21:21) s’étendrait jusqu’au Hedjaz et ferait donc rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque (bien que la ville ne soit pas directement citĂ©e). Cette hypothĂšse s’effondre lorsqu’on tient compte des donnĂ©es archĂ©ologiques et Ă©pigraphiques. L’archĂ©ologue Uzi Avner a montrĂ© que Paran se situe en rĂ©alitĂ© dans une rĂ©gion montagneuse au sud du SinaĂŻ (en Palestine). Cette rĂ©gion est irriguĂ©e par l’oasis de Wadi Feiran, d’oĂč elle tire vraisemblablement son nom (Feiran > Paran). On y a recensĂ© 43 inscriptions nabatĂ©ennes qui portent le nom de Paran. Ce nom correspond sous sa variante Pharan Ă  un village mentionnĂ© par plusieurs gĂ©ographes de l’AntiquitĂ© comme PtolĂ©mĂ©e (m.168)14.

De plus, de nombreux auteurs grecs et romains s’étaient intĂ©ressĂ©s Ă  l’Arabie durant l’AntiquitĂ©, et avaient documentĂ© de façon dĂ©taillĂ©e les principaux lieux de peuplement. On peut citer par exemple Strabon (m. ~ 23) et ÉratosthĂšne (m. 194), tous deux auteurs d’une cartographie de la pĂ©ninsule. D’autres comme Pline l’Ancien (m.79), Ammien Marcellin (m. ~ 395) ou encore Philostorge (m. 433) avaient Ă©galement consacrĂ© plusieurs pages dans leurs Ă©crits Ă  la situation gĂ©ographique et politique de l’Arabie. Aucun d’entre eux ne fait rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque.

Il est dit parfois que la ville serait mentionnĂ©e par le savant grec Claudius PtolĂ©mĂ©e, que nous avons dĂ©jĂ  mentionnĂ©, mais cette affirmation ne rĂ©siste pas Ă  l’analyse critique. Dans son Manuel de GĂ©ographie, Ă©crit dans les annĂ©es 140, PtolĂ©mĂ©e fournit une cartographie de l’Arabie dans laquelle apparaĂźt le nom de Macoraba (ΜαÎșÎżÏÎŹÎČα) Ă  proximitĂ© du Hedjaz15. Certains historiens en ont dĂ©duit que Macoraba devait faire rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque, mais cette identification « n’est pas crĂ©dible », prĂ©cise le spĂ©cialiste de l’Arabie prĂ©islamique Ilka Lindstedt16. La question a Ă©tĂ© rĂ©cemment traitĂ©e de maniĂšre extensive par Ian Morris dans une Ă©tude trĂšs documentĂ©e17. Il arrive lui aussi Ă  la conclusion que l’identification de Macoraba avec La Mecque est « arbitraire et fragile »18.

Au risque d’énoncer une Ă©vidence, Makkah (ï»Łï»œïș”) et Macoraba (ï»ŁïșŽï»›ï»źŰ±Ű§ïș‘ïșŽ) sont deux noms diffĂ©rents, et il n’existe Ă  ce jour aucune explication convaincante concernant l’étymologie de Macoraba. Le nom n’est mentionnĂ© nulle part en dehors du Manuel, et la question de savoir comment l’on serait passĂ© de Makkah Ă  Macoraba (ou inversement) demeure un grand mystĂšre. Samuel Bochart, un orientaliste français du 17e siĂšcle, fut le premier Ă  identifier Macoraba avec La Mecque. À cause d’une confusion avec l’hĂ©breu, il avait pensĂ© que le nom venait de Makkah rabbah, c’est-Ă -dire ‘‘Grande Mecque’’19. Le problĂšme, Ă©videmment, c’est qu’en arabe il faudrait Ă©crire al-rabbah. Selon une autre hypothĂšse trĂšs en vogue chez les historiens du siĂšcle passĂ©, Macoraba proviendrait de l’éthiopien mikrab, “le temple”20. Mais Patricia Crone a montrĂ© que l’hypothĂšse ne tenait pas la route du point de vue Ă©tymologique21. Mikhail Bukharin a proposĂ© rĂ©cemment une autre interprĂ©tation qui fait dĂ©river le nom grec de l’arabe maghrib, qui signifie ‘‘ouest’’ ou ‘‘occident’’22. Il suggĂšre que les Grecs et les Romains dĂ©signaient la rĂ©gion autour de La Mecque sous ce nom. Dans ce cas, Macoraba serait alors le nom gĂ©nĂ©rique dĂ©signant la partie occidentale de l’Arabie, et non la ville de La Mecque, ce qui est sans doute l’explication la plus convaincante Ă  ce jour.

De plus, Ian Morris a montrĂ© que l’identification de Macoraba avec La Mecque n’a jamais traversĂ© l’esprit des savants musulmans mĂ©diĂ©vaux. Ces derniers connaissaient pourtant bien les travaux de PtolĂ©mĂ©e, qui avaient Ă©tĂ© traduits en arabe dĂšs le 9e  siĂšcle23. Le gĂ©ographe syrien Yaqut al-Rumi (m. 1229) cite le savant grec, mais les coordonnĂ©es qu’il attribue Ă  ce dernier concernant l’emplacement de La Mecque sont trĂšs Ă©loignĂ©es de celles de Macoraba24. En fait, ce nom n’apparaĂźt nulle part dans les textes arabo-musulmans, probablement parce que les savants de l’époque ne comprenaient pas sa signification et l’ont donc tout simplement ignorĂ©25. Il est significatif qu’à la suite de PtolĂ©mĂ©e, aucun savant (arabe, grec, syriaque, latin
) n’ait repris l’idĂ©e que Macoraba dĂ©signait La Mecque26. Cette identification ne repose sur aucune preuve tangible, et les diverses tentatives d’explication concernant la provenance de Macoraba ont toutes Ă©chouĂ©. À l’heure actuelle, on ne sait toujours pas avec certitude Ă  quoi le gĂ©ographe grec faisait rĂ©fĂ©rence. Le nom pourrait dĂ©signer la cĂŽte ouest de la pĂ©ninsule arabe comme nous l’avons dĂ©jĂ  indiquĂ©. Il est possible Ă©galement que le toponyme se rapportait Ă  une ville qui a depuis disparu, ou dont le nom a Ă©tĂ© modifiĂ© en cours de route. Quoi qu’il en soit, l’analyse des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments montre clairement que « le nom de Macoraba n’a rien Ă  voir avec celui de La Mecque »27.

En toute logique, si la ville Ă©tait un carrefour commercial majeur, on s’attendrait Ă  ce qu’elle soit mentionnĂ©e par ses partenaires commerciaux. Comme le souligne Patricia Crone,

les auteurs grecs et latins avaient, aprĂšs tout, beaucoup Ă©crit sur les Arabes du sud qui leur fournissaient des aromates par le passĂ©. Ils nous offrent des informations sur leurs villes, leurs tribus, leur organisation politique [
]. L’importance politique et religieuse de l’Arabie au sixiĂšme siĂšcle Ă©tait telle qu’une attention considĂ©rable fut Ă©galement accordĂ©e aux affaires arabes ; mais les Quraysh et leur centre commercial ne sont absolument jamais mentionnĂ©s, que ce soit dans la littĂ©rature grecque, latine, syriaque, aramĂ©enne, copte, ou toute autre littĂ©rature composĂ©e en dehors de l’Arabie avant les conquĂȘtes28.

Pour rĂ©sumer, parmi les dizaines de milliers de documents de toutes origines datant de la pĂ©riode prĂ©islamique, pas un seul ne mentionne La Mecque. Comme l’écrit Francis Peters, « il n’existe aucun texte non arabe qui puisse confirmer quoi que ce soit de maniĂšre raisonnable Ă  propos de La Mecque – y compris son existence mĂȘme »29. La premiĂšre rĂ©fĂ©rence non-islamique Ă  La Mecque se trouve dans la Chronique byzantino-arabe Ă©crite en 74130. La chronique rapporte la conquĂȘte de La Mecque par le calife ‘Abd al-Malik, et prĂ©cise que la ville « se situe entre Ur, en ChaldĂ©e, et la citĂ© de Harran dans le dĂ©sert »31. Mais cet emplacement correspond curieusement Ă  la MĂ©sopotamie, et non Ă  l’Arabie. Il est sans doute inutile d’y voir autre chose qu’une erreur de la part du rĂ©dacteur de la chronique, mais cette erreur rĂ©vĂšle que vers la moitiĂ© du 8e siĂšcle, alors que l’islam domine une grande partie du Proche-Orient, on est encore incapable de placer correctement La Mecque sur une carte.

Le commerce mecquois : mythe ou réalité ?

Comme nous l’avons vu, les sources islamiques prĂ©tendent que La Mecque avait bĂąti sa fortune sur le commerce caravanier, et livrait des marchandises Ă  Byzance et Ă  la MĂ©sopotamie. Peu Ă  peu, les Mecquois seraient devenus incontournables dans ce commerce Ă  grande Ă©chelle, et leur ville aurait fini par s’imposer comme l’un des plus grands carrefours commerciaux d’Arabie. Pendant longtemps, les historiens ont manquĂ© de recul vis-Ă -vis des sources, et ont pris pour argent comptant le rĂ©cit traditionnel faisant de La Mecque un endroit incontournable du commerce dans la pĂ©ninsule. Mais en 1987, la parution de l’ouvrage de Patricia Crone intitulĂ© Meccan Trade and the Rise of Islam a engendrĂ© une rĂ©volution copernicienne sur le sujet.

La Mecque et les routes commerciales

Il est indĂ©niable que les Arabes ont jouĂ© un rĂŽle d’intermĂ©diaire dans les Ă©changes commerciaux entre l’Orient et le monde byzantin. L’essor du commerce en Arabie a dĂ©butĂ© il y a 3 000 ans grĂące Ă  la croissance Ă©conomique des rĂ©gions situĂ©es autour de la MĂ©diterranĂ©e32. Cette croissance a créé Ă  son tour une augmentation de la demande pour des produits (encens, Ă©pices, cuir, denrĂ©es de luxe, etc.) venus des Indes ou du YĂ©men. L’Arabie devient alors une terre de transit pour ces marchandises, qui sont acheminĂ©es vers leur marchĂ© de destination le long des routes commerciales. Dans ce contexte, La Mecque jouait-elle vraiment un rĂŽle important, comme l’affirment les sources islamiques ? Les fouilles archĂ©ologiques ainsi que l’analyse des documents de l’époque, permettent d’y voir plus clair sur la question, et la rĂ©ponse est clairement non. À vrai dire, on voit mal comment une ville totalement inconnue des sources antiques aurait pu occuper une place incontournable dans les Ă©changes internationaux. Mais au-delĂ  du silence des sources, de nombreux Ă©lĂ©ments viennent contredire cette hypothĂšse.

PremiĂšrement, il est aujourd’hui Ă©tabli que La Mecque Ă©tait Ă©loignĂ©e des principales routes commerciales. Patricia Crone a montrĂ© que traverser la pĂ©ninsule arabique du sud vers le nord en passant par La Mecque n’avait aucun sens, et constituait un dĂ©tour inutile33. Dans un rĂ©cent ouvrage, Jacqueline Chabbi, qui a longtemps acceptĂ© le rĂ©cit musulman traditionnel, confesse que ce dernier n’est plus valable historiquement. Elle Ă©crit :

j’ai fini par me rendre compte que c’était faux. En rĂ©alitĂ©, beaucoup d’ouvrages de vulgarisation reprennent sans approche critique la tradition musulmane, Ă  savoir que La Mecque aurait Ă©tĂ© une citĂ© importante, le lieu d’étape de grandes caravanes qui auraient rayonnĂ© sur toute l’Arabie. Or, La Mecque est excentrĂ©e Ă  l’ouest, dans des reliefs volcaniques peu accessibles, en direction de la cĂŽte de la mer Rouge. Elle n’est pas du tout situĂ©e sur la grande voie caravaniĂšre, et l’ancienne route de l’encens passe Ă  trois nuits de distance, Ă  l’est. Les caravaniers n’avaient aucune raison de se dĂ©tourner de la voie directe pour faire halte dans une petite citĂ© excentrĂ©e, dĂ©pourvue de toute ressource de subsistance locale34.

De plus, avec l’amĂ©lioration des moyens de navigation, on pouvait dĂ©sormais transporter les marchandises venues d’Inde par bateau au lieu d’emprunter les routes commerciales d’Arabie, ce qui permettait de diminuer considĂ©rablement le temps de trajet35 ! Stephen Shoemaker souligne Ă©galement que « depuis la pĂ©riode grĂ©co-romaine, le commerce dans cette rĂ©gion se faisait plutĂŽt par bateau via la mer Rouge, en contournant La Mecque qui se situe Ă  quelque 70 kilomĂštres du port le plus proche de Djeddah »36. La baisse du trafic caravanier en Arabie est attestĂ©e dans les sources les plus anciennes. Au niveau de l’épigraphie, Christian Robin note que « c’est un silence total ou presque » avec une seule inscription mentionnant le commerce caravanier Ă  partir du 1er siĂšcle37. Ces analyses sont confirmĂ©es de maniĂšre dĂ©finitive par des preuves matĂ©rielles indiscutables. Les fouilles archĂ©ologiques menĂ©es dans la rĂ©gion du NĂ©guev, au sud de la Palestine, montrent en effet qu’à la veille de l’islam, il n’existait tout simplement pas de commerce Ă  grande Ă©chelle entre l’Arabie et le bassin mĂ©diterranĂ©en38. Cette quasi-disparition du commerce caravanier s’inscrit dans un contexte de profonde crise Ă©conomique qui avait frappĂ© l’Arabie et une grande partie du Proche-Orient Ă  la fin de l’AntiquitĂ©, qui s’était soldĂ©e par un dĂ©peuplement de la rĂ©gion39.

Pour compliquer encore les choses, les sources islamiques, Ă©crites plusieurs siĂšcles aprĂšs les faits comme chacun sait, sont contredites par la documentation de l’époque. La tradition musulmane affirme en effet que les Mecquois vendaient au monde mĂ©diterranĂ©en des mĂ©taux prĂ©cieux (comme de l’or ou de l’argent), des parfums et des cuirs. Cependant, Patricia Crone a passĂ© en revue les archives grĂ©co-romaines de l’époque : il s’avĂšre qu’aucune d’entre elles ne fait Ă©tat d’importation de mĂ©taux prĂ©cieux40. Concernant les parfums, on sait que la production arabe se faisait essentiellement Ă  Aden, au sud du YĂ©men. Mais aucune source ne prouve la prĂ©sence des marchands qurayshites mecquois dans cette ville41. De plus, il est improbable que les Mecquois aient acheminĂ© des parfums du sud de l’Arabie vers l’empire byzantin, car ce dernier possĂ©dait sa propre industrie du parfum et rien n’indique qu’il ait importĂ© ce type de produits. Au contraire, sa production Ă©tait tellement abondante qu’elle Ă©tait vendue aux Arabes eux-mĂȘmes42 ! Dans un article publiĂ© en 2007, Patricia Crone a avancĂ© l’hypothĂšse que les Mecquois auraient pu fournir aux soldats romains, alors en guerre contre les Perses, des produits en cuir pour leur Ă©quipement militaire. Mais elle souligne que cette hypothĂšse est « impossible Ă  prouver en l’état actuel de nos connaissances »43. Quoi qu’il en soit, on peut maintenant ranger l’hypothĂšse faisant de La Mecque le carrefour commercial incontournable de l’Arabie prĂ©islamique dans les grands mythes de l’histoire. Comme le note Francis Peters, « la prospĂ©ritĂ© commerciale prĂ©islamique de La Mecque est, en fait, au pire une illusion et au mieux une exagĂ©ration considĂ©rable »44.

La population Ă  La Mecque

Un dernier point reste Ă  Ă©claircir : celui de la taille de La Mecque Ă  l’époque du ProphĂšte. Combien la ville comptait-elle d’habitants ? À notre connaissance, les sources islamiques n’indiquent pas de chiffre prĂ©cis, mais il est possible de l’estimer grĂące Ă  certains indices. Selon les auteurs arabo-musulmans, le ProphĂšte pouvait mobiliser des milliers de combattants mecquois pour ses expĂ©ditions militaires. Lors de la bataille d’Uhud, al-Tabari affirme par exemple que « les Qurayshites se prĂ©parĂšrent Ă  se battre avec trois mille hommes et deux cents chevaux »45. En faisant l’hypothĂšse que la moitiĂ© des hommes de la ville participaient au combat, on peut en dĂ©duire que sa population tournait autour de 20 000 habitants46, un chiffre considĂ©rable pour l’époque et la rĂ©gion. Pour donner un point de comparaison, Ă  la mĂȘme Ă©poque, JĂ©rusalem compte environ 15 000 habitants47. Les deux villes, autrement dit, avaient (parait-il) une population d’une taille assez comparable. La diffĂ©rence Ă©tant que la ville de JĂ©rusalem est attestĂ©e par des centaines de sources alors que La Mecque n’en compte aucune


En rĂ©alitĂ©, les indications selon laquelle La Mecque Ă©tait une ville importante sur le plan dĂ©mographique est Ă  rejeter comme le reste. L’étude la plus poussĂ©e concernant la taille de la population Ă  La Mecque est due Ă  Majied Robinson, qui arrive Ă  la conclusion que la ville comptait, en incluant les femmes, les enfants et les esclaves, environ 500 habitants, dont une centaine d’hommes adultes. En fait, il ne s’agit mĂȘme pas d’une ville Ă  proprement parler, mais plutĂŽt d’un village ou d’une bourgade insignifiante. À vrai dire, les conditions gĂ©ographiques et climatiques du lieu rendaient impossible (en tout cas Ă  l’époque) l’établissement d’une population importante. Lors de son voyage Ă  La Mecque au dĂ©but du 19e siĂšcle, Domingo Badia (alias Ali Bey) Ă©crit que :

l’ariditĂ© du pays est telle qu’il n’y a pratiquement aucune plante Ă  proximitĂ© de la ville ou sur les montagnes avoisinantes. [
] Il ne faut pas s’attendre Ă  trouver Ă  la Mecque quelque chose qui ressemble Ă  une prairie, et encore moins Ă  un jardin. On n’y sĂšme pas de cĂ©rĂ©ales, car le sol, trop ingrat, ne produit aucune plante pour le cultivateur48.

Ce n’est une dĂ©couverte pour personne, La Mecque est situĂ©e dans une rĂ©gion peu propice Ă  l’agriculture49. Comme le rappelle Chabbi, « il n’y a aucune ressource vivriĂšre sur place. Elle ne peut donc abriter qu’une tribu de faible importance »50. Le problĂšme est encore plus dĂ©licat en ce qui concerne l’approvisionnement en eau. Certes, les Mecquois ont pu compter sur le puits de Zamzam, mais il est impossible qu’il ait pu suffire Ă  lui seul Ă  satisfaire les besoins de 20 000 personnes, sans compter les milliers de bĂȘtes. Pour preuve, vers la fin du 8e siĂšcle, la reine Zubayda, Ă©pouse du calife Harun al-Rashid, avait fait construire des aqueducs et des rĂ©servoirs pour Ă©viter que les pĂšlerins ne meurent de soif51. Mais cette opĂ©ration ne rĂ©gla qu’une partie du problĂšme, et malgrĂ© les nombreux travaux de rĂ©novation et d’extension, le problĂšme de l’approvisionnement en eau reste toujours un problĂšme pour les habitants, mĂȘme Ă  l’époque contemporaine. En juin 2024, les fortes de chaleur, qui ne sont pas inhabituelles dans la rĂ©gion, ont conduit Ă  la mort de plus d’un millier de pĂšlerins, pour la plupart morts de soif. Ceci en dĂ©pit de toutes les infrastructures modernes et les moyens de secours dont dispose le richissime État saoudien. On imagine ce qui devait en ĂȘtre dans la sociĂ©tĂ© tribale du 7e siĂšcle ! Ainsi, l’idĂ©e selon laquelle La Mecque prĂ©islamique Ă©tait en mesure de nourrir et faire boire des dizaines de milliers de bouches (hommes et bĂȘtes confondus) est Ă  ranger dans le tiroir des mythes de l’histoire. Les conditions de vie rendaient impossible toute prĂ©sence humaine importante, et la ville n’est aujourd’hui trĂšs peuplĂ©e qu’au prix des travaux d’envergure entamĂ©s par les Ottomans et aprĂšs eux les Saoudiens.

Conclusion

Dans cet article, nous avons confrontĂ© le rĂ©cit musulman traditionnel sur La Mecque aux donnĂ©es historiques. Au terme de cet examen, il ressort incontestablement que ce rĂ©cit n’a en fait pas grand-chose Ă  voir avec la rĂ©alitĂ© historique. Chacun des points Ă©voquĂ©s par la tradition islamique est contredit par notre documentation. D’une part, La Mecque est totalement inconnue des sources historiques avant l’islam – y compris, et c’est peut-ĂȘtre l’élĂ©ment le plus catastrophique – dans les sources arabes elles-mĂȘmes, notamment les inscriptions Ă©pigraphiques. Comment, dĂšs lors, accepter le rĂ©cit islamique qui fait remonter les origines de La Mecque Ă  Adam et Abraham ? L’importance de la ville dans le commerce est elle aussi contredite par les sources de l’époque et par les donnĂ©es archĂ©ologiques, qui indiquent qu’il n’existait pas de commerce Ă  large Ă©chelle entre l’Arabie et le monde mĂ©diterranĂ©en. Cela ne signifie pas forcĂ©ment que les Mecquois n’ont jamais participĂ©, d’une façon ou d’une autre, aux Ă©changes commerciaux. À vrai dire, ils y Ă©taient mĂȘme contraints pour se procurer les biens qu’ils ne produisaient pas. Shoemaker prĂ©cise que « c’était un commerce dans lequel les Mecquois Ă©changeaient des biens issus de leur Ă©conomie paysanne, la seule forme d’économie que leur milieu pouvait favoriser, contre des biens produits dans des Ă©conomies agricoles sĂ©dentaires, en particulier des denrĂ©es alimentaires »52. Enfin, nous avons vu que La Mecque Ă  l’époque du ProphĂšte Ă©tait tout au plus une bourgade insignifiante et isolĂ©e, composĂ©e de quelques centaines d’habitants. Les rĂ©cits islamiques qui dĂ©crivent La Mecque comme une mĂ©tropole florissante, capable de rameuter des milliers d’hommes pendant les batailles du ProphĂšte sont Ă  ce titre totalement fantaisiste.

Cela ne veut pas nĂ©cessairement dire que la ville n’existait pas Ă  l’époque du ProphĂšte et qu’elle serait une crĂ©ation postĂ©rieure des califes53. En l’état actuel de nos connaissances, il demeure impossible de parvenir Ă  une conclusion dĂ©finitive. Dans le meilleur des cas, on peut supposer qu’il s’agissait d’un petit village isolĂ© et de « fondation rĂ©cente », prĂ©cise Robin54. Quoi qu’il en soit, l’écart entre la reprĂ©sentation musulmane classique de La Mecque prĂ©islamique, et ce qui apparaĂźt comme la rĂ©alitĂ© historique, est accablant. Il est clair Ă©galement que si les sources musulmanes se trompent Ă  ce point concernant La Mecque, il est tout simplement impossible Ă  l’avenir de leur accorder le moindre crĂ©dit sans un examen critique prĂ©alable.

Références

1↑ Jacqueline Chabbi, « Mecca », in Jane Dammen McAuliffe (ed.), Encyclopedia of the Qur’an, Brill, 2001, vol. 3, p. 337.

2↑ Voir ci-dessous.

3↑ Christian J. Robin, « L’épigraphie de l’Arabie avant l’islam : intĂ©rĂȘt et limites », Revue du monde musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, vol. 61, 1991, p. 14.

4↑ Pour les tĂ©moignages extĂ©rieurs des conquĂȘtes, voir Stephen Shoemaker, A Prophet has appeared. The Rise of Islam through Christian and Jewish Sources, University of California Press, 2021.

5↑ Christian J. Robin, « Les expĂ©ditions militaires du roi Abraha dans l’Arabie dĂ©sertique dans les annĂ©es 548-565 de l’Ăšre chrĂ©tienne », AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes rendus de l’annĂ©e 2018, vol. 3, p. 1316 sqq.

6↑ La lĂ©gende musulmane rapporte que les armĂ©es d’Abraha auraient menĂ© une expĂ©dition contre La Mecque dans le but de dĂ©truire la Ka’ba, mais qu’une armĂ©e d’oiseaux les en auraient empĂȘchĂ© en leur jetant des pierres. Selon la lecture traditionnelle, la sourate 105 ferait rĂ©fĂ©rence Ă  cette expĂ©dition. Soulignons cependant qu’il n’existe aucune preuve permettant de maintenir l’historicitĂ© de l’évĂ©nement. Voir Alfred-Louis de PrĂ©mare, « Il voulut dĂ©truire le temple : L’attaque de la Ka’ba par les rois yĂ©mĂ©nites avant l’islam », Journal Asiatique, vol. 288 (2), 2000, pp. 261-367. Nous consacrerons prochainement un article Ă  ce sujet.

7↑ JĂ©rĂ©mie Schiettecatte & Mounir Arbach, « The political map of Arabia and the Middle East in the 3rd century AD revealed by a Sabaean inscription – a view from the South », Arabian Archaeology and Epigraphy, vol. 27 (2), 2016, pp. 176-196.

8↑ Mohamed Maraqten, « The Pilgrimage to the Awam-Temple/Mahrim Bilqis, Ma’rib, Yemen », in George Hatke & Ronald Ruzicka (eds.), South Arabia Long-Distance Trade in Antiquity, Cambridge Scholars Publishing, 2021, pp. 430-462.

9↑ On trouvera une bonne synthùse des derniùres recherches dans Ilkka Lindstedt, Muhammad and His Followers in Context : The Religious Map of Late Antique Arabia, Leiden : Brill, 2024.

10↑ Voir par exemple Christian J. Robin, « Arabie antique : variations dans la maniĂšre de nommer le Dieu unique », in Jean-NoĂ«l Robert (ed.), HiĂ©roglossie III. Persan, syro-aramĂ©en et les relations avec la langue arabe, Paris, CollĂšge de France-IHEJ, 2022, pp. 139-170. Comme le souligne Robin, « on n’a pas encore trouvĂ© un seul texte postĂ©rieur Ă  400 de l’ùre chrĂ©tienne qui commĂ©more un rite polythĂ©iste. En revanche, ceux qui invoquent un Dieu unique sont approximativement une centaine » (p. 39).

11↑ Gerald Hawting, « The Hajj, an Appendix to the Cult of the Ka’ba », in Markus Groß & Robert M. Kerr (eds.), Die Entstehung einer Weltreligion VI : Vom umayyadischen Christentum zum abbasidischen Islam, Schiler & MĂŒcke, 2021, pp. 393-394.

12↑ ‘Abd al-Razzaq al-San’ani, Musannaf, Beyrouth : al-Majlis al-‘Ilmi, 1970-2, vol. 5, p. 102.

13↑ Martin R. Hauge, Between Sheol and Temple : Motif Structure and Function in the I-Psalms, Sheffield Academic Press, 1995, p. 38, n°2 ; Michael D. Goulder, Psalms of the Sons of Korah, Bloomsbury Publishing, 1983, p. 40. Voir Ă©galement notre article « Le pĂšlerinage originel Ă  JĂ©rusalem ».

14↑ Uzi Avner, « The Desert’s Role in the Formation of Early Israel and the Origin of Yhwh », Entangled Religions, vol. 12 (2), 2021, pp. 26-28.

15↑ On notera que Macoraba ne correspond pas Ă  l’emplacement actuel de La Mecque. Le gĂ©ographe grec, pourtant trĂšs prĂ©cis en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, place Macoraba au sud-est de MĂ©dine, alors que La Mecque est situĂ©e complĂštement de l’autre cĂŽtĂ©, Ă  l’ouest. On ne peut pas exclure qu’il s’agisse lĂ  d’une simple erreur de PtolĂ©mĂ©e, mais c’est un argument de plus contre le rapprochement entre Macoraba et la premiĂšre ville sainte de l’islam.

16↑ Ilkka Lindstedt, « Pre-Islamic Arabia and Early Islam », in Herbert Berg (ed.), Routledge Handbook of Early Islam, Routledge, 2018, p. 164.

17↑ Ian D. Morris, « Mecca and Macoraba », Al-ÊżUáčŁĆ«r al-Wusáč­Ä, vol. 26 (1), 2018, pp. 1-60.

18↑ Ibid, p. 41.

19↑ Ibid, pp. 12-13.

20↑ Claude Addas, « Mecque (La) », in Mohammad Ali Amir-Moezzi (ed.), Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 539.

21↑ Patricia Crone, Meccan Trade and the Rise of Islam, Gorgias Press, 1987, p. 135. De plus, Patricia Crone rappelle que si Macoraba Ă©tait situĂ©e dans un milieu arabophone, il faudrait alors Ă©crire *Muqarraba.

22↑ Mikhail D. Bukharin, « Mecca on the Caravan Routes in Pre-Islamic Antiquity », in Angelika Neuwirth, Nicolai Sinai & Michael Marx (eds.), The Qur’an in Context : Historical and Literary Investigations into the Qur’anic Milieu, Leiden : Brill, 2010, p. 122.

23↑ Voir Claude Gilliot, « Ptolemy », in Joseph W. Meri (ed.), Medieval Islamic Civilization: An Encyclopedia, Routledge, 2006, vol. 2, p. 648 : « La GĂ©ographie (Geographike Hyphegesis) de PtolĂ©mĂ©e a eu une grande influence sur les opinions gĂ©ographiques des musulmans [
] ».

24↑ Ian D. Morris, art. cit., p. 6.

25↑ Ibid, pp. 6-8.

26↑ L’historien Ammien Marcellin ne cite pas davantage Macoraba, mais il fait rĂ©fĂ©rence Ă  une ville qu’il appelle Hierapolis, ‘‘la ville sainte’’. Certains ont prĂ©tendu qu’il s’agissait d’une rĂ©fĂ©rence Ă  La Mecque, et que notre historien aurait simplement remplacĂ© Macoraba par Hierapolis. Cette hypothĂšse s’effondre du simple fait que PtolĂ©mĂ©e mentionne lui aussi une Gaia Polis, dont Hierapolis n’est qu’une lecture erronĂ©e. Et nous avons dĂ©jĂ  vu plus haut que l’appellation ‘‘ville sainte’’ s’appliquait au moins Ă  une autre ville avant l’islam. Cf. Patricia Crone, op. cit., p. 136, n°18.

27↑ Patricia Crone, Meccan Trade, op. cit., p. 136.

28↑ Ibid, p. 134.

29↑ Francis Peters, Mecca: A Literary History of the Muslim Holy Land, Princeton University Press, 1994, p. 32.

30↑ Carlos Segovia, « Commentaire de la sourate 3 », in Mohammad Ali Amir-Moezzi & Guillaume Dye (eds.), Le Coran, op. cit., vol. 2a, p. 154.

31↑ Robert G. Hoyland, Seeing Islam as Others Saw It: A Survey and Evaluation of Christian, Jewish and Zoroastrian Writings on Early Islam, The Darwin Press, 1997, p. 622.

32↑ Jan Retsö, The Arabs in Antiquity: Their History from the Assyrians to the Umayyads, Routledge, 2003, p. 122.

33↑ Patricia Crone, op. cit., p. 7.

34↑ Jacqueline Chabbi & Thomas Römer, Dieu de la Bible et dieu du Coran, Seuil, 2020, p. 86.

35↑ Patricia Crone, op. cit., p. 42.

36↑ Stephen Shoemaker, « Les vies de Muhammad », in Mohammad Ali Amir-Moezzi & Guillaume Dye (eds.), op. cit., vol. 1, p. 218.

37↑ Christian J. Robin, « La reprise du commerce caravanier transarabique Ă  la fin de l’AntiquitĂ© », in Z. Kafafi & M. Maraqten (eds.), A Pioneer of Arabia, in Honor of Moawiyah Ibrahim, Rosapat, 2014, p. 274.

38↑ Gideon Avni, The Byzantine-Islamic Transition in Palestine: An Archeological Approach, Oxford University Press, 2014, p. 286.

39↑ Derek Kennet, « The decline of Eastern Arabia in the Sasanian period », Arabian Archaeology and Epigraphy, vol. 18, 2007, pp. 108-110.

40↑ Patricia Crone, Meccan Trade, op. cit., p. 95.

41↑ Ibid.

42↑ Ibid.

43↑ Patricia Crone, « Quraysh and the Roman army: Making sense of the Meccan leather trade », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol. 70 (2007), pp. 63-88.

44↑ Francis E. Peters, op. cit., p. 24.

45↑ Mohammad ibn JarĂźr ibn YazĂźd TabarĂź, Ta’rikh al-rusul wa’l-muluk, traduit par M. V. McDonald, State University Of New York Press, 1998, vol. 7, p. 113.

46↑ Pour obtenir ce chiffre, nous avons procĂ©dĂ© au calcul suivant : i) on fait l’hypothĂšse que la moitiĂ© des hommes adultes de La Mecque ont pris part au combat, ce qui nous fait au total 6 000 hommes ; ii) en prenant un coefficient multiplicateur de 3,21, on arrive Ă  une population totale d’environ 19 000 personnes (ce coefficient se base sur les donnĂ©es dĂ©mographiques sur les populations bĂ©douines. Cf. Majied Robinson, « The Population Size of Muáž„ammad’s Mecca and the Creation of the Quraysh », Der Islam, vol. 99 (1), 2022, p. 17).

47↑ Hillel Geva, « Jerusalem’s Population in Antiquity: A Minimalist View », Tel Aviv, vol. 41, 2014, p. 151.

48↑ Badia y Leyblich, Domingo (Ali Bey), Travels of Ali Bey in Morocco, Tripoli, Cyprus, Egypt, Arabia, Syria and Turkey between the years 1803 and 1807, London, Gregg, 1970, vol. 2, p. 110.

49↑ Fred D. Donner, The Early Islamic Conquests, Princeton University Press, 1981, p. 15.

50↑ Jacqueline Chabbi & Thomas Römer, op. cit., p. 86.

51↑ Francis E. Peters, op. cit., p. 135.

52↑ Stephen Shoemaker, Creating the Qur’an, University of California Press, 2022, p. 99.

53↑ C’est en tout cas l’hypothĂšse soutenue par Édouard-Marie Gallez dans Le Messie et son ProphĂšte, Aux origines de l’islam, Éditions de Paris, 2005, 2 vols. Le problĂšme de cette hypothĂšse est qu’elle est impossible Ă  dĂ©montrer ou Ă  rĂ©futer.

54↑ Christian J. Robin, « La ville en Arabie de l’AntiquitĂ© Ă  l’Islam : nouvelles interrogations », in Ghislaine Alleaume et al. (eds.), Histoire, archĂ©ologies, littĂ©ratures du monde musulman, MĂ©langes en l’honneur d’AndrĂ© Raymond, IFAO, BibliothĂšque d’études, 2009, p. 8.